Assumer, ou pas
J’ose à peine écrire ce texte, mais bon, parfois il faut assumer de ne pas toujours assumer.
Mardi dernier, je sors de chez la pédiatre avec Mini-Kalouette et Ptit-Louloo. Munie d’une ordonnance pour chacun, je file dans la pharmacie la plus proche afin de soigner au plus vite ma progéniture. Toutes les jeunes mères vous le diront (MMP si tu nous lis c’est pour toi), les pharmaciens peuvent vite devenir vos meilleurs amis. Et c’est tant mieux, étant donné qu’ils savent tout de votre vie.
Ma pharmacienne ne fait pas exception à la règle. Première discussion en octobre dernier, alors que je fais le pied de grue devant sa porte avant l’ouverture, pour obtenir au plus vite des dérivés morphiniques pour Monsieur Kaloo en pleine crise de coliques néphrétiques (j’aurais bien dit frénétiques pour faire plaisir à mon papa, mais je ne veux pas lui piquer toutes ses blagues… Dommage).
Quelques semaines plus tard, je débarque le bras en sang après une piqure ratée. On discute grossesse, bébés, elle en a eu 4. Les mois passent, la naissance approche, je vois bien qu’elle s’arrange pour me servir, les conseils pleuvent, ça y est, c’est officiel, je suis sa copine.
Jusqu’à mardi dernier donc, et mes deux ordonnances à la main. Je tends ma carte vitale, c’est beau le progrès. Dessus il y a la mini-Kalouette et moi. Bien sûr nous ne portons pas le même nom. Ptit Louloo n’y figure pas encore (pour des raisons qu’il serait trop longues d’expliciter ici, ceci dit ils le font expres à la Sécu de ne demander qu’un papier à chaque fois alors qu’il en faut 3 ?). Je donne donc le nom de Ptit Louloo, différent du mien, différent de celui de la mini-Kalouette.
Regard appuyé. Long. Qui se pose lourdement sur la Mini-Kalouette, puis sur Ptit Louloo, et à nouveau sur la Mini-Kalouette. Ca y est je suis fichée. Courageuse, ou stupide, je lui dis joyeusement : « ah oui c’est ça les familles recomposées ». Pas de réponse, juste son regard. J’ai l’impression que le mot « traînée » vient de se graver sur mon front.
C’est là qu’une cruche rose bonbon et dégoulinante de sucre prend possession de mon corps. Souriant piteusement, je lui dis que maintenant c’est fini, et que tous les prochains enfants porteront le nom de Ptit Louloo. Oui vous avez bien lu, je me justifie… Elle sourit, me dit que c’est bien (chouette, ma pharmacienne me congratule). Et là le coup de grâce : « mais vous aussi vous porterez son nom? ». Plus bas que terre la Kalouette, la langue collée au plancher, s’empresse de répondre « oui oui ». Je ne lui ai pas agité mon annulaire enalliancé (c’est joli ça) sous le nez mais ce n’était pas loin… Eurk.
Elle change de sujet, passe en revue tous les papiers que je dois envoyer pour prévenir les administrations de mon nouveau statut de femme respectable. Visiblement ça lui tient à cœur…
Je suis sortie de la pharmacie en rampant, je crois bien que j’avais du sucre glace partout, un truc à filer la nausée en cinq secondes. Mais bon c’est pas grave ma pharmacienne m’aime bien. La honte…
Voilà, c’est tout.
Pensez à ce texte toutes les fois où vous n’oserez pas avouer qu’à l’adolescence vous étiez fan de Patrick Bruel, que vous aviez des posters de chevaux sur tous les murs de votre chambre, que vous avez un jour fait semblant de ne pas reconnaître un ex dans la rue, ou que votre mère vous appelle encore mon biquet.